Empreinte Olfactive.

Ce jour-là, j’ai touché le fond. Alors que je te serrais dans mes bras une dernière fois, mon visage plaqué contre ton épaule, je reniflais ton odeur de toutes mes forces pour l’introduire au plus profond de moi. De mes narines à mon cerveau, je voulais enregistrer ton empreinte olfactive. Je savais que nous nous disions au revoir et je réalisais à quel point cette scène était pathétique. Pourtant, je continuais de te renifler. Je te reniflais comme un chien l’aurait fait. La dignité n’avait plus d’importance, l’instinct animal et mon odorat avait pris le dessus sur tout le reste.

JEUX T.

J’ai reçu le premier catalogue de Noël de l’année aujourd’hui. Ça change des factures et des lettres que l’on ne reçoit pas. Je me suis dit que cette année, j’allais recycler la vieille chaussette du père Noël. Je ne la jetterai pas. Le 1er janvier, je la laverai avant de la sécher délicatement. Après quoi, je la plierai méticuleusement sans la froisser et la glisserai dans un papier de soie. Un papier de soie rose, pas rouge. Et je la glisserai sous mon lit pour qu’elle me raconte des histoires venues de nulle part. De belles histoires qui partent dans tous les sens. Je l’enfilerai de temps en temps comme on enfile un gant. Mes doigts d’abord, puis, tout doucement j’y enfoncerai ma main avant de la dérouler sur mon bras. Elle me garderait bien au chaud, ma vielle chaussette.

Si tu savais.

Si tu savais tout ce que j’ai à te raconter, tu t’en fouterais. Toutes ces choses dont on parlait, elles continuent d’exister. Elles étaient là avant toi, elles sont là après toi. Mais avec toi, je les partageais. Tu te demandes parfois à qui je raconte tout ça maintenant? Non, hein? Non, sinon tu me le demanderais. Et bien je ne raconte plus rien. Quand je sors du travail, je me tais. Quand je me lève le matin, je me tais. Avant d’aller dormir, je me tais. Je goûte mes larmes salées et je me tais. J’avale ton foutre salé et je me tais.

Sous une pluie battante.

Si l’on devait se retrouver un jour, ce serait forcément un lundi. Un lendemain de dîner de famille. Le lundi, c’est sexy. Tu ne sais jamais ce qui t’attend et là, ce serait toi qui m’attends moi. À la sortie de mon bureau, les mains dans tes poches, tu serais en train d’hésiter. Tu te demanderais si tu fais bien de venir me retrouver. Tu te dirais que la pluie, c’est jamais bon signe. Tu te dirais que c’est pourri comme entrée en matière, que t’aurais pu faire quelque chose de plus original. Que je vais sans doute être stressée et pas dans de bonnes conditions. Qu’un lundi en novembre, il fait forcément nuit quand tu sors du bureau. T’auras l’impression d’avoir gâché une journée de plus. D’arriver une saison trop tard. Qu’on a de toutes façons rien à se dire. Que si tu m’avais aimé ne serait-ce qu’un peu, tu serais resté. Qu’on part pas quand on tient à l’autre. Et que bon, toi, t’es parti, donc, forcément, tu ne comprends pas ce que tu fais là. Pour revenir, il faut avoir été quelque part. Toi et moi, l’a-t-on jamais été? Ça m’est bien égal. Tout ce que je sais, c’est qu’aujourd’hui il pleut et que nous sommes là. Sous cette pluie battante, le cœur souriant, je t’embrasse, sans l’ombre d’un conditionnel.

Le parapluie.

Combien de parapluies avez-vous oubliés dans votre vie? Ce que je veux savoir, précisément, c’est combien d’entre vous sont retournés chercher le parapluie qu’ils avaient oublié chez le coiffeur, chez le médecin ou dans un magasin quelconque? Pas grand monde, je sais. C’est comme ça la vie d’un parapluie. On l’utilise jusqu’au jour où on l’oublie dans un coin. Parce qu’un parapluie, ce n’est pas comme un téléphone ou une clé de maison. Un parapluie c’est utile mais ce n’est pas essentiel. On peut faire sans. On peut surtout le remplacer facilement. Vous en connaissez beaucoup des gens affolés qui vous disent limite les larmes aux yeux: « Tu peux pas savoir ce qui m’arrive! Je suis dans une merde… j’ai oublié mon parapluie chez le dentiste. » Non, et c’est normal. Ça n’existe pas, ou si peu. Des fois, aujourd’hui, par exemple, je me suis sentie comme un parapluie. Oubliée dans un coin, moi aussi on ne revient pas me chercher. On ne me demande pas comment je vais. Si je suis fermée ou déployée? Dans un coin ou dans une main? Si je traîne toujours là où tu m’a posée ou si quelqu’un s’est dit, un jour de pluie, tiens, il a l’air sympa ce parapluie.

Démaquille-moi.

Voilà, comme ça, donne-moi ta main. Prends ce coton entre tes doigts, passe-le délicatement sous un filet d’eau tiède et tout doucement viens le placer sur ma paupière fermée. De gauche à droite, caresse-la tout doucement. Efface ce qu’il reste de Khôl et de larmes entre mes cils inférieurs et mon anti-cerne trop blanc. Vas-y doucement, je continue de fermer les yeux. J’attends que tu t’occupes du deuxième. En attendant, je me concentre sur le rythme de ton toucher sur le premier. Prends ton temps. J’ai tout le mien.

J’aurais dû shazamer le son de ta peau contre ma peau.

Pour m’en souvenir.

Lèche mes larmes.

Une à une, du bout de la langue, goûte ma tristesse. Tu vois? Elle a le goût de la mélancolie. De l’eau de mer trop salée. Le goût du caramel au beurre salé. Le goût de la salière qu’on lèche quand on a cinq ans. Ton goût sur ma langue. Elle a le goût des belles choses. C’est bien à contre cœur, crois-moi, que je te rends ce que tu m’as donné. Tiens, fais gaffe, c’est salé.

Ce matin-là, j’aurais dû avaler ton indifférence… garder un peu de ton foutre et de toi en moi.